La saga des déchets.1.Zone humide de Langazel. Une lutte exemplaire il y a trente ans.

Par , 26 janvier 2009 16 h 59 min

Décembre 1978, de nombreux habitants du pays de Landerneau apprenaient qu’il y avait, près de chez eux, une des plus belles zones humides de Bretagne. L’information venait de la Société pour l’Etude et la Protection de la Nature en Bretagne (SEPNB) devenue depuis “Bretagne Vivante”.

La raison ? Informer et mobiliser contre un projet de décharge en plein ciel prévue sur le site. Le promoteur du projet était le conseil municipal de Landerneau qui entendait ainsi transférer l’abominable décharge du “bout du quai” sur la rive gauche de l’Elorn vers ce site plus discret.

Vue de Langazel extraite du site de l’Association de Langazel

Trente ans après.
Dans son numéro de janvier 2009 de Al Louarn, la section “Rade de Brest” de Bretagne Vivante, nous propose, sous la plume de Jean-Pierre le Gall, l’un des acteurs de cette aventure, de ne pas oublier cet évènement qui mériterait que l’on en fête cette année les trente ans.
Ci dessous l’article de Al Louarn

La zone humide de Langazel : 30 ans déjà !

Les anniversaires se succèdent : 50e pour Bretagne Vivante-SEPNB, 40e pour Eau et Rivières, 30e pour le sauvetage de la zone humide de Langazel en Trémaouézan.

C’est par un dimanche pluvieux de décembre 1978 que 400 courageux manifestants (dont 2 cavaliers) se sont retrouvés sur le site de Langazel pour sauver une zone humide.
En effet, en 1978, le SIVOM de Landerneau projette d’abandonner (sous la pression préfectorale) une décharge située sur les rives de l’Elorn et recherche un site en vue d’établir une usine de traitement d’ordures ménagères. Elle jette son dévolu sur Langazel (zone de peu d’intérêt agricole et éloignée des habitations) dernier grand complexe humide du Léon intérieur situé aux sources de l’Aber Wrac’h, fontaine de 80 000 léonards. C’est aussi la plus ancienne tourbière de Bretagne (12000 ans).

Heureusement les habitants de Trémaouézan réagissent très vite et s’organisent en comité de défense. Ils prennent contact avec la section Nord Finistère de la SEPNB qui assurera le suivi scientifique et servira de relais avec l’APPSB (devenue Eau et Rivières) et l’APP de l’Elorn (devenue L’AAPPMA), tout en intervenant auprès des élus locaux et départementaux.
Le comité de défense, appuyé par la municipalité, organise des réunions publiques, une marche sur le site, l’envoi de dossiers aux conseillers généraux et diffuse des brochures d’information.

Les responsables du SIVOM, devant cette mobilisation, abandonnent le projet et l’usine de retraitement sera construite à Saint Eloi. Langazel est classé grâce à un arrêté de protection de biotope le 10 octobre 1984.

Lors de son assemblée générale en 1985, la SEPNB décerne le prix Hermine au maire de Trémaouézan et à son équipe municipale pour l’action menée en faveur de la tourbière.

En 1979 est créée l’association de Langazel qui succède au comité de défense, c’est elle qui gère le site tout en développant des actions d’éducation à l’environnement. 137 hectares (sur les 230 de la ZNIEFF) sont inscrits comme site Natura 2000 sur lequel on peut voir des espèces patrimoniales.

Plantes remarquables : Sphaigne de la Pylaie, Rhunchospore, Rossolis, Linaigrette, Pédiculaire des marais …
Amphibiens : alyte accoucheur, triton marbré.
Invertébrés : damier de la succise, écaille chinée, escargot de Quimper, lucane cerf volant.
Oiseaux : engoulevent d’Europe, pic noir, faucon émerillon, hibou des marais, fauvette pitchou …
Bref, tout un monde fascinant aux portes de Brest et pourtant largement méconnu.

Jean-Pierre Le Gall (Rade de Brest)


La Rossolis à tête ronde.Plante carnivore symbole, avec la linaigrette (ci-dessous), de la lutte de Langazel

Souvenirs, souvenirs….
L’article de Jean-Pierre Le Gall fait remonter d’autres souvenirs chez les militants présents sur le site en ce décembre pluvieux de 1978.

De Plogoff à Trémaouézan.

Pour comprendre l’ambiance, ne pas oublier que nous étions en pleine mobilisation contre la centrale nucléaire de Plogoff. Bretagne Vivante (alors SEPNB) et Eau et Rivières (alors APPSB) étaient partie prenantes de cette lutte.

Mais il y avait surtout à Landerneau un CLIN (Comité local d’information sur le nucléaire) très actif. Il assumait d’ailleurs la responsabilité du journal régional des CLIN, Nukleel, imprimé chez la toute renaissante imprimerie Cloître. Ce CLIN a été le moteur essentiel de la mobilisation sur la ville Landerneau.

C’est lui, en particulier, qui a été à l’initiative de “l’occupation” pacifique de la mairie de Landerneau où se tenait la réunion du SIVOM qui devait statuer en dernier recours et qui, finalement, devant la réprobation générale, renonçait à ce projet.

Ne pas oublier non plus l’opposition de la Société de Chasse active sur Trémaouézan. Ecologistes et Chasseurs unis : une première qui méritait d’être signalée.

Si je me souviens de la forte mobilisation du comité de défense créé à Langazel, je n’ai pas le souvenir d’un appui de la municipalité de Trémaouézan. Il me semble que, bien au contraire elle soutenait le maire de Landerneau, Ferdinand Grall, originaire lui même de Langazell, et auteur malheureux, mais heureusement pas obstiné, du projet. Ce sont les élections municipales suivantes qui ont amené, à Trémaouézan, une nouvelle municipalité en partie issue du comité de défense.

Un comité de défense très actif
Une mobilisation ne fonctionne que si elle est soutenue localement. Et c’était bien le cas à Trémaouézan. Là aussi des personnes de tous âges et de toutes origines se découvraient pour la première fois manifestants.

Un apport essentiel : celui de Jean Kernéis photographe amateur, au bon sens du terme, mais aussi expert et passionné qui avait fait de Langazel son terrain de chasse photographique principal.

Dès les premiers rendez-vous, sa collection photographique renforçait, s’il en était besoin, la conviction qu’il y avait, à Langazel, un site de première qualité à protéger. Les expositions que, par la suite, il a réalisée, avec les photographes qui l’avaient rejoint, étaient un des points forts des fêtes de la bruyère organisées par l’association à partir de 1984.

Une belle renaissance
Une fois la décision d’abandonner le projet de décharge prise, le comité de défense et la nouvelle municipalité élue en 1983 ne restaient pas inactifs.

En témoigne la Chronologie publiée sur leur site :
1979 : Création de l’association
1984 : Organisation de la 1ère Fête de la Bruyère et protection de 120 ha du site.
1985/86 : Création par les bénévoles d’un circuit de randonnée de 7 km.
1991/92 : Embauche du 1er salarié et accueil de classes de nature.
1993 : Première opération de gestion : achat d’animaux et mise en place du pâturage extensif.
1994 : Acquisition de 25 ha par le Conseil général du Finistère et création d’une zone de préemption départementale (140 ha).
1995 : Signature du Contrat Nature 1995-1998
1999 : L’association est désignée comme opérateur local Natura 2000 La tourbière de Langazel est datée comme étant la plus ancienne de Bretagne + de 10 000 ans).
2000 : Signature du Contrat Nature 2000-2003
2001 : Acquisition de 3 ha de prairies humides.
2003 : validation du document d’objectifs NATURA 2000
Aujourd’hui, l’association est forte d’une équipe de 2 salariés, et d’une vingtaine de bénévoles parmi ses 80 membres.

Une nouvelle vie
La commune elle même s’est mise à revivre, à commencer par l’école qui semblait vouée à la fermeture et qui a vu rapidement de nouvelles classe s’ouvrir et, bientôt, ses locaux s’agrandir.


De l’école à la nature et aux classes nature… L’Asssociation de Langazel, a été agrée par l’éducation nationale pour son projet d’éducation à l’environnement auprès de publics très variés.

Des randonnées naturalistes, des classes de nature ou d’écologie, des ateliers nature sont ainsi encadrés par des animateurs professionnels de l’association.

On comprend pourquoi de nouveaux habitants se sont installés à Trémaouézan.

Bon anniversaire Langazel !

En cette période de crise environnementale, économique et sociale, Langazel est un encouragement à ne jamais renoncer.

Bon anniversaire et longue vie à Langazel.

Plongée dans les archives du CLIN
Tract d’appel à la manifestation

Quelques bonnes feuilles du dossier d’information réalisé par la SEPNB
Il faut savoir que l’Aber Wrac’h prend sa source à Trémaouézan.

Une faune et une flore à découvrir.







Voir aussi : La saga des déchets.6.Langazel fête les trente ans de son action pour la Nature.

A suivre :La saga des déchets.2. Le scandale du Combusoc.

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