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Expropriés de l’Île-longue. Les derniers témoins se souviennent.

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Par , 29 avril 2025 13 h 49 min

Gérard Borvon.

1965. De Gaulle a décidé de faire de l’Île-longue une base de sous-marins nucléaires. A l’occasion d’un travail universitaire (année 2004/2005), quarante ans après les évènements, Serge Borvon a rencontré des témoins de l’expropriation des habitants de l’Île-longue dans la presqu’île de Crozon pour l’installation de la base de sous-marins nucléaires.

Premier informateur, M. Francis Sénéchal, 90 ans, ancien sous-marinier en retraite et ancien conseiller municipal à la Libération, demeurant à Rostellec en Crozon.

Serge Borvon : Pouvez-vous me parler des tout-débuts de l’annonce de l’installation de la base nucléaire de l’Île-longue ?

M. Sénéchal : C’est moi qui ai monté ce comité. Il y a eu dans la presse un article nous disant qu’on allait prendre l’Île-longue pour faire une base de sous-marins atomiques.[.]Suite à une réunion à Quimper, le préfet du Finistère a mis un article dans la presse en disant que l’on allait prendre l’Île-longue. Alors quand les habitants ont su ça, ils sont venus me voir en me demandant qu’est-ce qu’on aurait pu faire pour essayer de balancer cette base, parce que personne n’en voulait. Je dis” peut-être on peut faire un comité de défense, on va essayer de faire déplacer cette base ailleurs”, mais il n’y avait rien à faire, c’était déjà fait, parce que la municipalité de Crozon qui était dirigée par le docteur Jacquin était pour. Les expropriations ont été mal menées, on nous a envoyé un monsieur de Paris, et alors il faisait pression sur les gens en disant “non on peut pas vous donner plus”. Il essayait de diviser les gens pour régner. Il y avait quelques personnes qui voulaient avoir un peu d’argent, il leur payait et nous avons été tous bloqués. Avec cette affaire-là ç’a été une belle manœuvre.

Serge Borvon : Quand les gens vous ont contacté quelles étaient leurs inquiétudes. l’installation d’une base militaire ou bien le risque lié à l’armement nucléaire présent sur le site ?

M. Sénéchal : C’est les deux, les gens n’en voulaient pas, ni du militaire, ni du nucléaire, parce que nous avions toutes sortes de servitudes, un polygone d’isolement, on ne nous l’avait pas dit au début.

Serge Borvon : Les gens se sont divisés dans la population ?

M. Sénéchal : Au début ils ont donné du travail au gens, vous comprenez, alors là, ç’a a commencé à virer. Oui, les gens ce sont divisés dans la population… Naturellement,ils ont dit “Pourquoi voulez-vous que l’on fasse partie de ce comité de défense puisqu’on nous donne du travail ?”. On leur a dit aussi que ce n’était pas plus dangereux que la pompe à essence du garagiste de Crozon. C’est la municipalité qui avait invité ça.

Serge Borvon : C’est quand même intéressant de savoir, que dans votre comité, il y avait d’anciens militaires.

M. Sénéchal : Oui, nous étions trois anciens de la marine nationale, dont le président M. Montillet, qui était un officier de l’équipage en retraite. Et vous savez pas, je vais vous dire quelque chose, il vaut mieux que vous gardiez ça pour vous, tous les policiers de Brest avaient acheté ici des terrains à bâtir dans la zone où on devait exproprier [.]Il savaient d’avance quelle était la place qui devait être expropriée. Aussitôt j’ai demandé à connaître le plan parcellaire, et c’est là que je me suis rendu compte qu’ils avaient acheté dans la zone à exproprier.

Serge Borvon : Vos actions ont presque duré deux ans ?

M. Sénéchal : Je vais vous dire comment ça s’est passé. Il y a des gens, dont la paysan ici, il a signé quand le “chargé” de Quimper est venu faire un sondage, il a touché 11 millions pour ses terrains. Il a signé et tout la monde après était bloqué, nous étions dans l’obligation de signer. Ceux qui ont été en appel avec Garapin ont eu beaucoup moins que ceux qui avaient signé.

Serge Borvon : J’ai lu dans les journaux qu’il y avait eu de grandes manifestations ?

M. Sénéchal : Oui nous avons manifesté à Quimper, vous savez comment on a été accueilli ? “M. Sénéchal si un jour vous faites des manifestations  à Quimper je vous briserai – Tiens ! je dis, pourtant quand il y a des manifestations de paysans vous faites rien. A Crozon nous avons été pris pour des révolutionnaires, à Morgat surtout on était mal vus. Eh oui autrefois les gens de l’Île-longue travaillaient dans les carrières, c’étaient des ouvriers, des petites gens, et alors ils votaient à gauche. Vous comprenez pourquoi nous étions délaissés par les élus et que le maire n’était pas contre l’Île-longue.

Serge Borvon : Aujourd’hui les riverains ont-ils des inquiétudes par rapport aux risques qu’il peut y avoir ?

M. Sénéchal : Vous savez tout se passe en vase clos, on ne peut pas savoir ce qui se passe , même qu’il y ait des radiations tout cela est interdit de diffusion. Vous ne saura jamais ce qui se passe. A ce qu’il paraît il y aurait eu des radiations mais ça a été camouflé.

Remarque de Serge Borvon : Quelques jours après notre entretien, la presse faisait état d’un décès dû à une contamination en 2002.

Le deuxième entretien a eu lieu chez M. et Mme Magadur. Monsieur Magadur a 70 ans, il est ancien ouvrier d’une entreprise sous-traitante de la DCN (Direction des constructions Navales). Au moment des expropriations, M. et Mme Magadur habitaient Brest, c’étaient les parents de M.Magadur qui vivaient à l’Île-longue.

Serge Borvon : Quand avez-vous appris que ce site allait être retenu ?,

M. Magadur : Vous savez on a vu apparaître sur la route des gens qui n’étaient pas du coin, des messieurs surtout. Oui, ça s’est passé drôlement. Un jour ma belle-mère me dit : “tu sais, on va partir de l’Île-longue. Moi je ne cois pas ça” – vous savez, ma belle-mère parlait un petit peu nature – “moi je ne crois pas ça” qu’elle me dit. Elles était obligée de se rendre à l’évidence, et un jour elle m’a dit : ” Tu sais, je ne suis pas propriétaire, c’est de Gaulle mon propriétaire”, ça a été dur pour elle, très dur. Mon père d’ailleurs s’est laissé presque… oui il s’est laissé presque… mon père n’a plus réagi après, dès qu’il est venu ici ça été fini.

Serge Borvon : Donc Magadur vous avez appris en voyant des gens arriver ?

M. Magadur : Eh bien oui, deux ou trois expropriateurs, un peu dans le genre de gendarmes déguisés en civil. Il y en avait un [.] il disait franchement aux gens, aux pauvres veuves qui ont mis toute une carrière pour faire un pennti : “Si vous ne signez pas, la prochaine fois ça sera moins”, et alors elles perdaient un peu les pédales.

Mon père était dans la Marine, son rêve était de retourner chez lui à la retraite. On venait juste de finir de retaper toute la maison – le plus dur c’est qu’on nous laissa it continuer à faire tous les travaux jusqu’au moment où on nous a dit de partir. J’ai essayé de lutter, mais j’ai vite compris, même avec les élus de Crozon, que les intérêts n’étaient pas les mêmes. Ceux qui ont défendu le plus, ce sont les touristes, l’été, qui ont manifesté avec nous, mais les gens du Fret et de Crozon, non : il y avait trop d’intérêts.

Quand on voit une maison comme celle-ci (les maisons construites pour reloger les expropriés au Zorn), voilà une maison qui coûtait à l’époque 160 000 F, les gens disaient ‘il a eu tout ça de l’Île-longue”, mais il faut savoir aussi ce que l’on a laissé qui vient de mes grands-parents, de mes parents. Nous avions deux maisons à l’Île-longue, des terrains, nous étions heureux et subitement on vous dit “il faut partir”. Mon père n’a pas supporté ça, il s’est laissé mourir, il est mort en 1979, il ne touchait plus à rien ici, c’était fini.

Serge Borvon : Pourquoi à votre avis le choix de l’Île-longue.

M. Magadur : J’ai eu l’occasion de discuter avec une personne très bien placée à l’Île-longue, il y a eu une conférence et je suis allé le voir un peu à la fin. “Dites donc monsieur, j’ai fait partie du comité de défense contre l’Île-longue, pour vous est-ce que c’était un bon choix l’Île-longue ?” – ” Pour moi c’était le plus mauvais choix, vu la population de Brest à une distance de huit kilomètres. Il fallait un départ direct sur la mer, le mieux était vers le Cap de la Chèvre”. Alors si cela avait été Morgat, on mettait le feu à la Presqu’île, il y avait des intérêts, il y avait des maires, des notaires, ils avaient tous des terrains. Le choix s’est porté sur l’Île-longue par rapport au trajet, il fallait que les militaires puissent rentrer chez eux le soir.

Ce sont mes beaux-parents qui ont quitté les derniers l’Île-longue, ils ont quitté parce que les travaux avaient commencé. Ils n’avaient rien trouvé pour se reloger, et les ouvriers ont donc fait sauter les mines et mon beau-père a failli être tué là, il y a un rocher qui est tombé à côté de lui. Et ma belle-mère a eu juste le temps de le retirer, et elle a dit “Cette fois-ci on s’en va, on ira n’importe où mais on s’en va”. ils faisaient sauter de plus en plus de mines et de plus en plus près pour les faire partir… Ils avaient du chagrin… Ma fille me dit encore que les meilleurs moments de sa vie , ce sont ceux  qu’elle a passé avec ses grands-parents à l’Île-longue, dans la petite maison bleue. Et la pêche que nous faisions ! …c’était un vrai vivier à coquillages et à poissons

Serge Borvon : Au début le maire, le docteur, semblait défendre les futurs expropriés, et ensuite on voit que le maire refuse de participer à une manifestation, que s’est-il passé ?

M. Magadur : Vous savez le parti socialiste était contre à l’époque, donc ceux qui étaient contre les expropriations se mettaient du côté du parti socialiste. Vous savez, il ne faut pas raisonner droite gauche dans cette affaire. Nous avions aussi le soutien des pêcheurs de la rade, car il y avait un bon banc de coquilles Saint-Jacques dans le secteur, ils étaient aussi menacés.

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Serge Borvon : Indépendamment du problème d’expropriation, y-a-t-il eu des craintes par rapport au nucléaire ?

M. Magadur : Oh oui ! On n’avait que ça dans la bouche. vous savez que l’État a menacé M. Montillet de suspendre sa retraite d’officier de marine parce qu’il était à la tête du mouvement. Dans cette bagarre se retrouver face au mur avec des forces comme cela, c’est révoltant.

Serge Borvon : Y-a-t-il des personnes qui ont rejoint votre comité par peur de la radioactivité, sans parler des expropriations ? 

M. Magadur : Oh si ! On parlait beaucoup à l’époque de la radioactivité, ceux qui étaient conscients de ça en parlaient, mais la population était surtout occupée par d’avoir leur bien, mais la radioactivité, M. Montillet parlait beaucoup de ça, lui qui avait été dans la Marine. Avec le nucléaire, on ne peut jamais savoir…

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Pour aller plus loin les témoignages d’acteurs de la construction de la base.

Pierre Pommellet a dirigé le chantier de l’Ile Longue de 1966 à fin 1969. Interrogé par le télégramme :

Le Cap de la Chèvre avait également été envisagé ?

Oui, je m’y suis rendu plusieurs fois sur place mais les études ont montré que la houle était trop forte. Il aurait fallu construire une jetée de protection considérable. Avec le recul, il faut avouer que cela aurait été dommage de dénaturer un tel site. Certains avaient imaginé un long tunnel pour traverser la presqu’île. Les exigences et la pression écologiques n’étaient pas aussi affûtées qu’aujourd’hui.


L’Ile longue, en 1965, était également un endroit naturel exceptionnel

Oui, c’était très joli et plutôt sauvage vers son extrémité. Il y avait beaucoup de fermes et un éperon rocheux impressionnant, un à-pic de 40 mètres de hauteur qui surplombait des eaux cristallines. Il y avait des maisons secondaires à l’entrée et pas mal de fermes où l’on croisait d’ailleurs des métayers très touchants. Les expropriations nous ont émus mais il a fallu avancer.


Les procédures vous ont-elles impressionné ?

Je n’ai jamais vu dans ma carrière des procédures aussi expéditives. Tout est allé très vite, il fallait finir trois ans plus tard. Après une campagne de sondages, les gros engins de terrassement ont commencé par araser les hauteurs et déposer surtout dans l’Ouest les matériaux pour étendre de 40 % la surface de la presqu’île et permettre la réalisation des voies de circulation.

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Rapporté d’un mémoire universitaire présenté par Kerian Bouthemy :   Au début des travaux, en 1967, un des principaux responsables des Travaux Maritimes présents sur le site, se souvient d’avoir été, comme ses camarades, conspué et injurié par une partie des expulsés : « Ce fut un moment très pénible à supporter, nous étions là pour faire notre travail, certes, mais nous ne pouvions rester insensibles devant la détresse, réelle et compréhensible des expropriés. Ainsi la famille d’une femme âgée nous suppliait-elle de la laisser mourir chez elle. C’est sans doute l’épisode qui m’a le plus ému.

«Un scandale pour une politique climaticide» : le futur stade de Brest taclé par Pauline Louis-Joseph-Dogué, élue écologiste.

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Par , 7 mars 2025 21 h 09 min

Ouest-France
Publié le 06/03/2025 à 16h32

Pauline Louis-Joseph-Dogué n’y est pas allée avec le dos de la cuillère, dans son propos liminaire, en ouverture de séance du conseil départemental du Finistère, ce jeudi 6 mars 2025.

Dans son viseur : le futur stade du Froutven, à Brest. Une volonté commune des dirigeants du Stade Brestois et de Brest Métropole, qui nécessitera un apport d’argent public. Le conseil départemental, lui, est sollicité à hauteur de six millions d’euros.

Extraits :

C’est un scandale pour une politique climaticide, c’est totalement indécent” [.] le projet “qui n’est plus 100% privé” contrairement à ce qui avait été annoncé initialement par les frères Le Saint à la tête du club “constitue un risque financier important” [.] “Le respect des limites planétaires n’est plus une option. C’est une nécessité“.

Bravo et merci Pauline, pour cette courageuse intervention.

La base de sous-marins nucléaires de l’Île-Longue. De l’expulsion de ses habitants aux résistances d’hier et d’aujourd’hui.

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Par , 26 février 2025 21 h 56 min

Nous présentons ici des extraits du Mémoire de recherche de Master 2 « Civilisations, Cultures et Sociétés Mondes modernes et contemporains Année Universitaire 2023-2024 » de Kerian BOUTHEMY. Des recherches approfondies qui bénéficient, en particulier, de la récente ouverture des archives de la marine.

1) Comment l’Île-Longue, dans la presqu’île est de Crozon, est devenue la base des sous-marins nucléaires français.

Parmi les problèmes que doit résoudre l’organisation Coelacanthe chargée du choix, figure évidemment le point d’implantation en France du port-base et des infrastructures  nécessaires pour mettre en œuvre une force maritime de dissuasion crédible en pleine Guerre Froide.

2) Installation de la base de sous-marins nucléaires de l’Île-Longue. Du projet à la résistance.

Le 17 février 1965, dès le retour de son voyage dans le Finistère, le général de Gaulle réunit au Palais de l’Élysée le conseil des ministres auquel il annonce « que les perspectives de Brest et le rôle capital que cette base est appelée à jouer dans la défense française, sont tout à fait satisfaisants».

3) Installation de la base de sous-marins nucléaires de l’Île-Longue. La pesqu’île entre en résistance.

Après l’annonce du projet suit une semaine de confusion, un comité de défense des intérêts de l’Île Longue se constitue. Pour la première fois les habitants de la presqu’île se mobilisent contre l’emprise militaire.

4) 1965. Crozon. Île-Longue. Les habitants expulsés.

Au début des travaux, en 1967, un des principaux responsables des Travaux Maritimes présents sur le site, se souvient d’avoir été, comme ses camarades, conspué et injurié par une partie des expulsés : « Ce fut un moment très pénible à supporter, nous étions là pour faire notre travail, certes, mais nous ne pouvions rester insensibles devant la détresse, réelle et compréhensible des expropriés. Ainsi la famille d’une femme âgée nous suppliait-elle de la laisser mourir chez elle. c’est sans doute l’épisode qui m’a le plus ému. »

5) Non au nucléaire à l’Île-Longue. La résistance à l’Ouest.

Dès les premiers mois, en mai 1964, “Le Peuple Breton”, le journal de l’Union Démocratique bretonne (UDB) s’attaque à la situation de la presqu’île de Crozon et aux chantiers militaires de Lanvéoc. Après la résistance de Plogoff, bien d’autres oppositions se manifesteront.

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Voir aussi.

De la Bretagne à la Polynésie. Refuser l’arme nucléaire. 

Alors que nous luttions contre le projet de construction d’une centrale nucléaire à Plogoff, dans la pointe du Raz, certains de ses partisans nous interpellaient : « vous luttez contre une pacifique centrale électrique, mais vous oubliez que vous avez à votre porte, à L’Île Longue, une base de sous-marins nucléaires dont les missiles sont destinés à faire des millions de morts » .

Erreur, nous n’avions pas oublié !

La crédibilité de la dissuasion nucléaire française n’existe guère.

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Par , 22 février 2025 18 h 54 min

Un article de Étienne Godinot, vice-président de l’Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits (IRNC) dans le journal La Croix mérite la lecture.

Extrait :

Réveiller la défense européenne

Au total, la doctrine nucléaire française est « la réaffirmation de dogmes éculés et des contradictions constantes d’une politique de défense rendue impuissante par l’endormissement de l’esprit de défense imputable à la dissuasion nucléaire. » La France a développé – après 210 essais nucléaires atmosphériques ou souterrains dont il faut maintenant réparer les dégâts politiques, sanitaires et environnementaux – une force de frappe inefficace, dangereuse, illégale, antidémocratique, démobilisatrice, immorale et ruineuse.

À cause du refus par la France, en 1954, du projet de Communauté européenne de défense, torpillé par le général de Gaulle, nous avons perdu 70 ans dans la construction d’une politique européenne de défense. Les pays de l’UE doivent maintenant dans l’urgence harmoniser leurs armements conventionnels et leurs munitions pour pouvoir aider efficacement l’Ukraine. Cette harmonisation et surtout la renonciation de la France à la force de frappe nucléaire entraîneront une réduction considérable des budgets de défense.

Encourager la dissuasion civile

En complément à la défense conventionnelle européenne, il importe de rendre la population civile actrice à part entière de la défense. Les stratégies civiles de défense fondées sur la non-collaboration visent à rendre la société « insaisissable » par un agresseur potentiel ou un dictateur en interne : économiquement inexploitable, politiquement ingouvernable et psychologiquement « insoumettable », et à exercer une véritable dissuasion civile contre un pouvoir totalitaire.

Parallèlement, il est urgent de développer les missions d’intervention civile de paix entre les belligérants dans les conflits locaux et les guerres civiles ou internationales. Ces missions non-violentes d’observation des violations des droits humains, de protection de personnes menacées, d’interposition et de médiation, menées par des équipes internationales mandatées et formées, du type Peace Brigades International ou Nonviolent Peaceforce, ont pour objectif, dans un premier temps, de séparer les belligérants, et dans un deuxième temps de les réunir autour d’une table, puisque ce sont eux qui devront trouver une solution politique à leur conflit. Très efficaces pour un coût minime, elles sont encouragées par l’ONU, l’OSCE, l’UE, mais elles manquent cruellement de moyens.


Élargir la politique de défense

Parmi les étapes de la nouvelle politique de défense de la France, son adhésion au traité sur l’interdiction des armes nucléaires (Tian), le respect de ses obligations dans le cadre de l’article 6 du traité de non-prolifération (TNP) et donc l’arrêt des simulations d’essais nucléaires (Valduc près de Dijon et Laser Mégajoule près de Bordeaux). La sécurité se situe aussi dans le champ de l’informatique et de la cybernétique, de la souveraineté alimentaire et énergétique, de l’écologie.

Voir sur le site de l’IRNC

La dissuasion civile

L’ouvrage La dissuasion civile (épuisé) a été rédigé en 1985 par Christian Mellon, Jean-Marie Muller et Jacques Sémelin sur une commande de Charles Hernu, ministre de la Défense et publié par la Fondation pour les Études de Défense Nationale (FEDN)

La défense civile non-violente est une politique de défense contre toute tentative de déstabilisation, de contrôle ou d’occupation de notre société, conjuguant, de manière préparée et organisée, des actions non-violentes collectives de non-coopération et de confrontation avec l’adversaire, en sorte que celui-ci soit mis dans l’incapacité d’atteindre les objectifs de son agression (influence idéologique, domination politique, exploitation économique).

En d’autres termes, il s’agit de rendre la société insaisissable ou “indigérable” par un agresseur : incontrôlable politiquement, “insoumettable” idéologiquement, inexploitable économiquement. Il s’agit aussi de dissuader l’agresseur de s’attaquer à cette société, parce que les coûts qu’il risquerait de subir seraient supérieurs aux gains qu’il pourrait espérer, et parce qu’il prendrait des risques pour son propre pouvoir : c’est la dissuasion civile.

Cette résistance repose sur une bonne articulation entre la résistance des pouvoirs publics et celle de toute la société civile.

La revue trimestrielle Alternatives non-violentes, en avril 1986, a publié des points de vue de diverses personnalités après la publication de l’ouvrage, saluée par certains comme « un évènement ». Parmi les militaires, les généraux Dominique Chavanat, Claude Le Borgne, Georges Buis, Étienne Copel, Jean Delaunay, le contre-amiral Olivier Sevaistre.

L’ouvrage reprend et développe d’autres études réalisées auparavant.

Quelle protection de la population en France après la fin du mythe de la “dissuasion nucléaire” ?

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Par , 7 février 2025 19 h 11 min

« Depuis l’invasion russe en Ukraine, la possibilité d’un conflit armé et d’une agression du sanctuaire national doit être sérieusement envisagée », estime Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale. (Le Monde)

Il faut d’abord retenir de cette déclaration, d’un haut gradé de l’institution militaire, le constat de la fin du mythe de la “dissuasion nucléaire” supposée exclure toute menace visant notre territoire. Reste à savoir quel pourrait être le rôle de la gendarmerie dans ce cas. Combattre l’ennemi ou contrôler la population, en particulier celle habitant près des cibles potentielles.

Cibles ? Comment ne pas penser à Brest, son port de guerre et son industrie de l’armement, ainsi qu’à la base de sous-marins nucléaires de l’Île-Longue.

Sans penser à l’apocalypse que serait une frappe nucléaire, la guerre en Ukraine nous montre la puissance des armes dites “conventionnelles” de l’arsenal moderne et leur usage contre les populations civiles sous couvert d’objectifs militaires

Différence avec la France. La population de l’Ukraine dispose encore des abris construits sous l’époque soviétique et en construit de nouveaux, en particulier avec l’aide, bien venue, de la protection civile française.

Nos stratèges de la dissuasion nucléaire ont, par contre, choisi de ne pas protéger la population française. Ce ne sont pas des pelotons de gendarmerie qui protègerons des drones, obus et missiles balistiques de la guerre “moderne”. Armes dont la France est une des principales exportatrice.

Des abris de la protection civile bientôt aussi en France ?

https://www.protection-civile.org/actions-internationales/construction-d-un-abri-anti-aerien-pour-une-ecole-en-ukraine-la-protection-civile-renoue-avec-son-histoire/

Pour la situation en France Lire :

Ne pas protéger la population en cas de guerre. Le choix des stratèges français de la dissuasion nucléaire.

Extrait du rapport Marcellin 1981 :

“Le principe de la doctrine de dissuasion est de persuader un agresseur qu’une action militaire d’ampleur de sa part risquerait de déclencher des représailles nucléaires au cœur même de son propre territoire et d’y provoquer des dégâts matériels et des pertes en vies humaines hors de proportion avec le bénéfice escompté.

La logique de cette stratégie conduit non seulement à ne pas s’organiser en vue d’une éventuelle agression nucléaire mais à considérer que le faire serait porter atteinte à la crédibilité de la dissuasion.”.

les méthodes de déstabilisation interne des États ne seraient-elles pas d’une efficacité redoutable à l’égard d’États modernes vulné­rables à la mesure même de leur développement ? Notre doctrine de défense permettrait-elle de faire face à ce genre d’agression éventuellement combinée avec une stratégie indirecte à tarir nos sources d’approvisionnement en énergie et en matières premières ?”

“une population qui se sentirait dépourvue de protection serait psychologiquement vulnérable à l’action d’agents subversifs capables de provoquer et de contrôler des mouvements de foule en vue d’empêcher le responsable de faire jouer la stratégie de la dissuasion”

Reconversion écologique. Cabu avait tout compris.

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Par , 14 janvier 2025 18 h 53 min
Le canard enchaîné

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