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L’affaire de la Centrale électrique à gaz de TotalEnergies, dite “Centrale de la Honte”, à Landivisiau, en quelques dates.

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Par , 24 novembre 2025 16 h 33 min

Au moment où la COP30 s’est inclinée devant les groupes pétroliers en refusant d’acter la sortie des énergies fossiles, nous proposons ici, en quelques dates, la saga de la centrale climaticide de TotalEnregies à Landiviau. Une histoire qui se termine par la vente par TotalEnergie de 50% de ses parts à un fonds d’investissement espagnol et par la fuite de tous ses promoteurs au moment de l’inauguration de la centrale ce qui lui vaudra le nom de “Centrale de la Honte“.

Décembre 2010. Le Pacte électrique Breton.

Signé le 14 décembre 2010 : « Pour répondre durablement aux défis auxquels la Bretagne se trouve confrontée en termes de sécurisation de son alimentation électrique dans les années à venir, I’Etat, la Région Bretagne, RTE, I’ADEME et I’ANAH se sont mis d’accord sur le contenu du présent pacte dont ils sont signataires indissociables. »

Parmi leurs engagements : « L’implantation d’un nouveau moyen de production classique au nord-ouest de la Bretagne, de type cycle combiné gaz (CCG), à haute performance énergétique, fonctionnant dans le cadre du marché électrique, d’une puissance d’environ 450 MW, avec une localisation la plus pertinente se situant dans l’aire de Brest »

28 février 2012. Choix de Direct-Energie.

L’appel d’offre pour la construction de la centrale comportait la clause suivante :

“Dans le cadre du présent appel d’offres, le producteur touchera une prime fixe annuelle PT, calculée comme le produit de la puissance active garantie Pgar et d’une prime P exprimée en €/MW/an. Cette prime fixe est destinée à couvrir uniquement les surcoûts liés à la localisation de l’installation, à l’acheminement du gaz et à la date prévue de mise en service.”

Le projet « Réussir ensemble » de l’entreprise Direct Energie : « a été classé premier, avec un écart important par rapport aux autres candidats, au titre du critère de la prime fixe demandée pour couvrir les surcoûts liés à la localisation de l’installation, à l’acheminement du gaz et à la date de mise en service »


Elle se voyait ainsi attribuer une prime estimée à 40 millions d’euros par an pendant 20 ans renouvelables pour la construction d’une centrale électrique à gaz à Landivisiau.

Un Le Drian qui fera profil bas quand cette histoire s’achèvera. (voir le fin)

13/11/2015. Consultation de la Commission européenne.

L’attribution de la prime nécessitait l’approbation de la Commission Européenne en charge de la politique de la concurrence. Celle-ci émettait un avis, le 13/11/2015, concernant le fait que la centrale de Landivisiau pouvait, ou non, être considérée comme un « Service d’intérêt économique Général »

Cet avis se concluait par la formule :

« Par conséquent, la mesure ne semble pas être susceptible de garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et, donc, d’être qualifiée de SIEG/d’obligation de service public. Au contraire, elle risque d’aggraver la situation dans la région et de donner lieu à une intervention réglementaire permanente. Pour ces raisons, la mesure ne semble pas être conforme au principe de proportionnalité. »

Voir ci-dessous l’ensemble des motifs de cette appréciation qui vont dans le sens d’une non conformité de la demande de prime au regard des la législation européenne.


(69) La première condition établie par l’arrêt Altmark prévoit la définition de la mission d’un SIEG (11). Alors que le traité n’apporte pas de définition de SIEG, ce dernier répond à la définition de l’article 106, paragraphe 2, du traité. Il est constant que le SIEG doit revêtir un intérêt économique général qui présente des caractéristiques spécifiques par rapport à celui que revêtent d’autres activités de la vie économique (12). Il résulte ainsi de l’article 106, paragraphe 2, du traité que les entreprises qui assument la gestion de SIEG sont des entreprises chargées d’une “mission particulière”. En règle générale, une “mission de service public particulière” implique la prestation d’un service qu’un opérateur, s’il considérait son propre intérêt commercial, n’assumerait pas ou n’assumerait pas dans la même mesure ou dans les mêmes conditions.

(70)Bien que les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la définition de ce qu’ils considèrent comme un SIEG bénéficiant d’une compensation, la Commission doit vérifier que l’État membre n’ait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans cette définition.

(71) Certes, plusieurs arrêts de la Cour et décisions de la Commission ont reconnu que la sécurité de l’approvisionnement en électricité permettait de justifier l’institution d’un SIEG (13). Toutefois, dans le cas d’espèce, la Commission doute que l’installation et l’exploitation de la centrale de Landivisiau soient susceptibles d’être qualifiées de SIEG.

(72)Premièrement, les autorités françaises n’ont fourni aucun élément montrant qu’il y a eu un problème de sécurité d’approvisionnement en électricité en Bretagne dans le passé, même pas en cas de températures exceptionnellement basses telles que celles enregistrées en hiver 2012, pour lequel un déficit de capacité d’environ 300 MW était prévu (voir le schéma 6 ci-dessus).

(73) Deuxièmement, les États membres ne peuvent assortir d’obligations spécifiques de service public à des services qui sont déjà fournis ou peuvent l’être de façon satisfaisante et dans des conditions (prix, caractéristiques de qualité objectives, continuité et accès au service) compatibles avec l’intérêt général, tel que le définit l’État, par des entreprises exerçant leurs activités dans des conditions normales de marché (14).

(74)La Commission considère que des entreprises exerçant leurs activités dans des conditions normales de marché auraient pu fournir la capacité nécessaire pour garantir la sécurité d’approvisionnement en Bretagne, si la France n’avait pas mis en œuvre des mesures règlementaires, notamment la définition d’une zone tarifaire unique pour l’ensemble du territoire français, qui empêchent les prix de l’électricité d’envoyer les bons signaux pour inciter des investissements en capacité dans la région.

(75)Les autorités françaises elles-mêmes reconnaissent qu’une des raisons pour lesquelles le marché est défaillant pour atteindre le niveau de sécurité d’approvisionnement souhaité est que les rémunérations apportées par les différents marchés (énergie, capacité, etc) ne sont pas déclinées géographiquement à l’échelle de la Bretagne et ne peuvent donc pas traduire la demande existante pour une capacité en Bretagne en une incitation au développement d’une capacité en Bretagne. En résumé, il n’y a pas de “marché breton de l’électricité”, qui envoie les bons signaux d’investissement.

(76) Troisièmement, la mesure en question ne semble pas satisfaire les dispositions de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2009/72/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (“la directive Electricité”) (15), qui prévoit que les obligations de service public qui portent sur la sécurité d’approvisionnement doivent être non discriminatoires. Ces exigences supplémentaires résultant de la législation sectorielle de l’Union, tel que la directive Electricité, doivent être prises en compte par la Commission dans son appréciation des obligations de service public établies par un État membre (16).

(77)Or, la mesure en espèce est discriminatoire à l’égard d’autres technologies que le CCG. Les autorités françaises reconnaissent elles-mêmes que la mesure n’est pas neutre du point de vue technologique et que d’autres technologies, comme les TAC au gaz ou au fioul auraient aussi été en mesure de résoudre le problème allégué en termes de sécurité d’approvisionnement.

(78) Il résulte ainsi des termes mêmes de l’article 106 du traité que les obligations de service public que l’article 3, paragraphe 2, de la directive Electricité permet d’imposer aux entreprises doivent respecter le principe de proportionnalité (17). En vue de répondre à ce critère, la mesure qui impose de telles obligations doit être susceptible de garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint.

(79)Il convient dès lors d’examiner si une mesure telle que celle mise en œuvre par la République française est appropriée pour garantir la réalisation de l’objectif invoqué, à savoir la sécurité d’approvisionnement en électricité en Bretagne sans aller au-delà de ce qui est nécessaire.

(80)En effet, la Commission a des doutes sur la proportionnalité de la mesure. Premièrement, la Commission a des doutes sur la nécessité d’installer en Bretagne un moyen de production d’environ 450 MW, étant donné que les autorités françaises n’ont pas fourni des données précises sur la quantité de capacité manquant en Bretagne (voir aussi le considérant 72 ci-dessus) et que, en tout cas, cette capacité aurait pu être apportée par exemple par des effacements combinés avec d’autres moyens de production d’une puissance inférieure à celle requise dans le cadre de l’appel d’offres.

(81)Deuxièmement, en supposant qu’il y ait effectivement un problème en termes de sécurité d’approvisionnement en Bretagne, ce qui n’a toutefois pas été suffisamment démontré par les autorités françaises (comme expliqué au considérant 72 ci-dessus), l’appel d’offres pourrait y remédier à court terme, mais est de nature à aggraver le problème à long terme.

(82)Cela peut se produire pour trois raisons principales. Tout d’abord, l’appel d’offres est de nature à fermer le marché de l’électricité aux investissements qui ne bénéficient pas d’un soutien de l’État. En effet, il pourrait réduire la confiance des investisseurs, qui pourraient différer des investissements futurs afin de bénéficier d’appels d’offres additionnels. La mesure en question pourrait donc rendre tous les futurs investissements en Bretagne dépendants de futurs appels d’offres.

(83)Il apparaît ensuite que le manque allégué de capacité est également le résultat de mesures réglementaires, par exemple celle d’empêcher l’augmentation des prix de l’électricité au niveau nécessaire pour attirer des investissements suffisants (missing money problem, voir considérants 74 à 75 ci-dessus). L’appel d’offres ne corrige le missing money problem que pour le producteur, et non pour les fournisseurs actuels ou futurs de capacité. En outre, l’appel offres pourrait conduire à la fermeture de capacités existantes, étant donné que la nouvelle CCG est susceptible d’être plus efficace. Il s’ensuit que la mesure pourrait aggraver le missing money problem pour les capacités existantes.

(84)Finalement, le caractère sélectif de l’appel d’offres réduit les possibilités pour le développement d’autres technologies qui pourraient contribuer à atténuer le manque allégué de capacité en Bretagne (par exemple, effacement, interconnexion et stockage).

(85)Par conséquent, la mesure ne semble pas être susceptible de garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et, donc, d’être qualifiée de SIEG/d’obligation de service public. Au contraire, elle risque d’aggraver la situation dans la région et de donner lieu à une intervention réglementaire permanente. Pour ces raisons, la mesure ne semble pas être conforme au principe de proportionnalité.

Ce rapport a donné lieu à un article très détaillé dans Ouest-France :


Centrale de Landivisiau : les doutes de l’Europe

« Le projet phare du Pacte électrique breton aura-t-il le feu vert de Bruxelles ? La Commission européenne vient de rendre public un rapport qui peut laisser présager un prochain avis négatif. »

https://www.ouest-france.fr/economie/energie/centrale-de-landivisiau-les-doutes-de-l-europe-4689899

15 mai2017. La décision finale de la commissaire européenne.

Contre toute attente, l’avis négatif de la commission n’est pas retenu par la commissaire européenne Margrethe Vestager, en charge de la politique de concurrence, qui approuve l’aide d’Etat pour la centrale au gaz Landivisiau.

06 juillet 2018. Quand Total rachète Direct Energie.

« Paris, 06 juillet 2018, 17h30 – Total et Direct Energie annoncent la finalisation, ce jour, de l’acquisition par Total de 73,04% du Capital de Direct Energie1, sur la base d’un prix de 42 euros par action, soit pour environ 1,4 milliard d’euros. Cette acquisition, qui fait suite à la levée de l’ensemble des conditions suspensives relatives aux accords signés le 17 avril 2018 avec les principaux actionnaires de Direct Énergie, a été suivie par le dépôt par Total, ce jour, d’un projet d’offre publique obligatoire portant sur les actions Direct Energie non encore détenues par Total, au même prix par action de 42 euros. Ce projet d’offre demeure soumis à l’examen de l’AMF qui appréciera sa conformité aux dispositions législatives et réglementaires applicables. »

28 mai 2021. Quand Total devient TotalEnergies.

Après cette acquisition Total change de nom et devient TotalEnergie ;

« Paris, 28 mai 2021 – L’Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire des Actionnaires de la Société a voté ce jour, à une quasi-unanimité, la résolution visant à changer la dénomination sociale de l’entreprise. Total devient donc TotalEnergies et ancre dans son identité, sa stratégie de transformation en compagnie multi-énergies. A l’occasion de son changement de nom, TotalEnergies se dote d’une nouvelle identité visuelle. »

27 avril 2022. TotalEnergie vend 50 % des parts de la centrale de Landivisiau à un fonds d’investissements espagnol.

La vente par TotalEnergie de 50 % des parts de la Centrale de Landivisiau a été connue par des articles de presse.

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ASTERION INDUSTRIAL PARTNERS ADQUIERE EL 50% EN UNA CENTRAL ELÉCTRICA DE CICLO COMBINADO DE GAS NATURAL EN BRETAÑA (FRANCIA) Y ANUNCIA INCORPORACIONES SENIOR AL EQUIPO.

  • Asterion adquiere un 50% de la planta Landivisiau y se convierte en accionista junto con TotalEnergies. La instalación proporciona una capacidad eléctrica significativa y estable, con tecnología de última generación y gran eficiencia térmica (27.04.2002)

https://www.webcapitalriesgo.com/asterion-industrial-partners-adquiere-el-50-en-una-central-electrica-de-ciclo-combinado-de-gas-natural-en-bretana-francia-y-anuncia-incorporaciones-senior-al-equipo/

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De Pardieu Brocas Maffei a conseillé TotalEnergies dans le cadre de la cession de 50 % de la Compagnie Electrique de Bretagne à Asterion Industrial Partners


(Le monde du droit, 11 mai 2022)

Un fonds espagnol rejoint TotalEnergies en Bretagne

« Nouveau coup pour Asterion Industrial Partners. Le fonds d’investissement espagnol, qui a finalisé en février la levée de son second véhicule à 1,8 Md€ (lire ci-dessous), vient de renforcer sa présence dans l’Hexagone, en faisant l’acquisition de 50 % de la Compagnie Electrique de Bretagne (CEB) auprès de TotalEnergies. L’opération, à la structuration gardée confidentielle et intermédiée par la banque espagnole (…) »

https://www.cfnewsinfra.net/L-actualite/M-A/Prise-de-participation/Un-fonds-espagnol-rejoint-TotalEnergies-en-Bretagne-484228

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L’information était reprise par le journal le Télégramme.

TotalEnergies a vendu 50 % de la centrale de Landivisiau à un fonds d’investissement.

https://www.letelegramme.fr/economie/totalenergies-a-vendu-50-de-la-centrale-de-landivisiau-a-un-fonds-d-investissement-310888.php#:~:text=Le%20groupe%20TotalEnergies%20a%20revendu,service%20le%2031%20mars%202022.

Ainsi que par le journal Ouest-France.

TotalEnergies vend 50 % de la centrale à gaz de Landivisiau à un fonds d’investissement espagnol.

https://www.ouest-france.fr/bretagne/landivisiau-29400/totalenergies-vend-50-de-la-centrale-a-gaz-de-landivisiau-a-un-fonds-d-investissement-espagnol-98c84ede-2495-11ed-b87a-5a37cb5b8d3c

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Suite à cette information, la totalité des promoteurs institutionnels du projet étaient absents à son inauguration, ce dont rendait compte le journal Le Télégramme.

« À Landivisiau, concours de mots d’excuses pour l’inauguration de la centrale. »

https://www.letelegramme.fr/finistere/morlaix-29600/a-landivisiau-concours-de-mots-d-excuses-pour-l-inauguration-de-la-centrale-350118.php

Par Monique Kéromnès

Le 21 octobre 2022 à 18h50

La centrale de Landivisiau a été inaugurée, ce jeudi 20 octobre. Mais de nombreux élus et représentants de l’État avaient décliné l’invitation de TotalEnergies. Officiellement pour cause d’agendas déjà chargés. Leur absence interroge.

Lors de l’inauguration de la centrale au gaz de Landivisiau, seuls les élus locaux étaient présents pour couper le ruban symbolique aux côtés de TotalEnergies. Lolors de l’inauguration de la centrale au gaz de Landivisiau, seuls les élus locaux étaient présents pour couper le ruban symbolique aux côtés de TotalEnergies. (Le Télégramme/Monique Kéromnès)

« On ne s’est pas bousculé, à la centrale de Landivisiau, pour poser sur la photo aux côtés de TotalEnergies… Pourtant, inauguration officielle oblige, tous les élus et les autorités avaient été invités, ce jeudi 20 octobre. Mais presque tous étaient absents. À commencer par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui était « à Bruxelles, avec Emmanuel Macron ». Elle n’a pas été représentée. Le préfet du Finistère, Philippe Mahé, « avait autre chose à l’agenda ». Même chose pour la sous-préfète de Morlaix, Élisabeth Sevenier-Muller. Le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, était « pris sur la conférence jeunesse, il devait être représenté par un autre élu qui a eu un empêchement. Personne n’a pu le remplacer à la dernière minute ». Personne non plus pour représenter le conseil départemental du Finistère mais il y avait séance plénière à laquelle les élus se doivent d’être présents. Quant à la députée Graziella Melchior, prise « pour un travail en commission à l’Assemblée », elle était représentée par sa collaboratrice. Autre absent de taille, Jean-Yves Le Drian, ancien président de Région, qui a lancé le projet, et ancien ministre.[.]

Les élus locaux, emmenés par Henri Billon, président de la communauté de communes du Pays de Landivisiau, étaient bien là, eux. Et, évidemment, Laurence Claisse, maire de la ville, qui avoue sa « colère » : « J’espère avoir un jour l’explication officielle.»

Celui dont l’absence a été remarquée et qui a valu à la centrale de TotalEnergie

le nom de “Centrale de la Honte”.

Scandale du chlordécone. Une alerte venue de Bretagne.

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Par , 11 septembre 2025 20 h 17 min

Qui n’a pas entendu parler de la pollution des eaux bretonnes par les nitrates et les pesticides. Qui ne sait, à présent, que le problème est général sur l’ensemble du territoire français où plus des 3/4 des ressources sont contaminées à des degrés divers. Pourtant c’est à des milliers de kilomètres de l’hexagone qu’il faut aller chercher les exemples les plus dramatiques de territoires contaminés : dans les paradis ensoleillés de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane ou de la Réunion.

Une cargaison de patates douces a alerté la métropole en Octobre 2002. A cette date les fonctionnaires de la Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) ont arrêté, sur le port de Dunkerque, une tonne et demie de patates douces en provenance de la Martinique et contenant des quantités importantes de Chlordécone. Cet insecticide extrêmement toxique utilisé sur les exploitations de bananes est pourtant interdit depuis 1993. Le fait que les habitants de la Martinique aient consommé ces tubercules depuis de nombreuses années n’avait alerté personne mais qu’ils arrivent sur le marché de Rungis et voilà le scandale dévoilé !

Pourtant l’information sur cette pollution était connue depuis bien des années. L’année précédente, un rapport particulièrement documenté sur la pollution de l’eau et des sols en Guadeloupe aurait mérité, lui aussi, une mobilisation médiatique.

Une alerte venue de Bretagne

Etant en 2003 membre du Comité National de l’Eau, j’ai eu l’occasion de rencontrer deux représentants du Comité de Bassin de la Guadeloupe venus présenter le “Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux”, adopté par le Comité de Bassin le 19 juin 2003 et approuvé par le Préfet le 25 juillet 2003. La présentation, sans doute considérée comme une formalité administrative par la plupart des membres du Comité, n’avait attiré que peu de commentaires de leur part. Cependant un passage de leur exposé avait attiré mon attention. Il y était question de pollution par les pesticides. Très mobilisé sur la question des pesticides en Bretagne je découvrais de nouvelle molécules, chlordécone, dieldrine, HCH, et risquait une question à leur sujet. Ayant abordé les représentants de la Guadeloupe à la fin de la séance, pour plus d’informations, ils me confiaient le rapport imprimé qu’ils avaient présenté.

Pour voir la suite.

Le jour où l’électricité est arrivée dans le Finistère.

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Par , 4 septembre 2025 21 h 09 min

La fée électricité a-t-elle mis beaucoup de temps avant de trouver les chemins de la pointe de Bretagne ?

Paradoxalement, alors que le train a été tant attendu, certaines communes de Bretagne, et du Finistère en particulier, ont vu s’allumer les premières lampes électriques avant même les quartiers parisiens.

L’histoire continue à s’écrire. La fée électricité se fait parfois sorcière. La fin de ce récit nous mènera à Brennilis, à Plogoff…

Voir la suite.

Agriculture Bio. L’alternative est là.

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Par , 17 août 2025 14 h 05 min

dimanche 17 août 2025, par Goulven Thomin

La majeure partie de la loi Duplomb va être appliquée, mais l’acétamipride est
interdit. Le débat sur les pesticides et les nuisances de l’industrie
agroalimentaire qui avait été escamoté à l’Assemblée nationale est réapparu
dans les médias, grâce une pétition largement diffusée. Des scientifiques, des
médecins, des citoyens soucieux de la santé publique et de l’environnement ont
pu s’exprimer. On a pu entendre, entre autres, « pesticide = cancer ». Claire
Breteau a particulièrement marqué les esprits à l’Assemblée nationale, mettant
en évidence l’irresponsabilité des élus de droite et d’extrême droite.
Jusque là, depuis début 2024, quand les gros tracteurs de la CR et de la FNSEA
bloquaient une partie du pays, c’était la propagande du lobby qui rentrait dans
nos cerveaux.

Un des principaux éléments de langage prétend que « nos agriculteurs » n’ont
pas d’alternative à l’acétamipride, comme il n’y avait pas d’alternative au
glyphosate. En conséquence, empêcher l’utilisation de ce produit en France
fera remplacer les productions de betteraves à sucre et de noisette par des
importations étrangères de moins bonne qualité que les productions françaises,
les meilleures au monde, évidemment. Une alternative est expérimentée depuis
des dizaines d’années et fonctionne aujourd’hui dans 60.000 fermes en France,
ça s’appelle l’agriculture biologique. On a vu des reportages sur des
producteurs de betteraves bio, ils n’ont pas besoin de l’acétimipride, et
n’utilisent ni pesticides ni engrais chimiques de synthèse. Ces derniers sont
pour la plupart achetés à la Russie, fabriqués en brûlant une énorme quantité
d’énergie fossile.

L’agriculture biologique, surtout en circuit court, assure la fameuse
« autosuffisance alimentaire » revendiquée à tort par le lobby. Aujourd’hui, neuf
millions d’hectares sont cultivés à l’étranger pour fournir la France.
L’agriculture biologique supprime les élevages industriels hors sols très
gourmands en soja importé, et se fournit en protéines en cultivant des
légumineuses.

Depuis la fin du siècle dernier, la filière bio s’est mise en place avec ses
paysans et leurs fournisseurs, les transformateurs et les distributeurs. Ainsi les
consommateurs peuvent agir sur le marché par le moyen le plus efficace dans
le système capitaliste : le BOYCOTT.

Le mouvement bio permet à tout le monde d’agir. Les produits issus de l’agriculture bio sont réglementés par un cahier des charges, contrôlés et clairement identifiés en bout de chaîne.
Malgré tous ses avantages, la part du marché bio ne dépasse pas les 6%. Sa
marge de progression est grande.

Une étude récente du Shift Project nous apprend que seulement 7% du budget
du consommateur français sert à payer les produits issus de la ferme. C’est le
chiffre d’affaires du paysan, ce n’est même pas son bénéfice. On peut manger
moins de produits chers, comme la viande et les produits laitiers, les fruits et
légumes hors saison, et diminuer les achats de produits transformés en
cuisinant. C’est meilleur pour la santé. On peut acheter directement aux
producteurs au marché et le reste dans les Biocoop, et éviter de fréquenter les
galeries marchandes. On évite ainsi les produits que les techniciens du
marketing arrivent à nous faire acheter.

Manger bio ne coûte pas plus cher, est accessible à la plupart des 90% de
consommateurs qui achètent conventionnel, et peut nous faire faire des
économies tout en améliorant le revenu des paysans.
Mangeons bio, local, végétal, peu ou pas de viande et de produits laitiers, des
produits de saison, ce n’est pas nécessaire de manger des tomates toute
l’année.

Nos impôts financent à hauteur d’une quinzaine de millions d’euros le lobby
agroalimentaire français. 80% des 9 milliards d’euros de la PAC (Politique
agricole commune européenne) vont à 20% des agriculteurs, les plus gros.

Beaucoup d’entre eux n’ont pas un arbre, une haie, un talus, une prairie, une
mare, une zone non cultivée et non bâtie sur l’ensemble de la surface de leur
ferme. Ces gens-là polluent, détruisent les paysages et la biodiversité, et
produisent en Bretagne 40% des gaz à effet de serre responsables du
réchauffement climatique. Ils n’assurent aucun service public, ils n’ont aucune
légitimité pour toucher des aides publiques. Leur discours est toujours celui de
la droite et du patronat, revendiquant moins d’impôts, moins de cotisations
sociales, moins de réglementations, moins d’administration.

Il serait logique que les politiques au pouvoir les laissent se débrouiller avec le
marché et réservent les fonds publics aux paysans bio. Ils assurent, eux, un vrai
service public, qui garantit la santé publique, la bonne qualité de l’air, de l’eau
en quantité et qualité pour tous, les équilibres climatiques, les paysages,
l’ensemble du patrimoine naturel, la gastronomie et les cultures rurales.

Histoire de la chimie des algues en Bretagne. De la soude à l’iode jusqu’aux alginates.

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Par , 1 août 2025 16 h 28 min

Il n’y a pas que les algues vertes en Bretagne.

Le Nord-Finistère, en Bretagne, n’est pas particulièrement réputé pour son industrie chimique. Pourtant, depuis le 17e siècle, c’est à dire depuis le début de la chimie, une activité chimique y est menée, sans interruption, autour des algues.

L’industrie de la “soude” (carbonate de sodium) se développe d’abord. On extrait ce produit des cendres de goémons séchés. Il est indispensable à la fabrication du verre. Cette activité s’arrête à la fin du 18e siècle quand de nouveaux procédés sont découverts.

Elle reprend en 1829 après que le chimiste Bernard Courtois ait découvert, en 1812, un nouveau et utile produit dans les cendres d’algues : l’iode. L’iode est utilisée, en particulier, en photographie et en médecine. Sa production en Bretagne s’arrête en 1952 à cause de la concurrence de l’iode extrait des nitrates du Chili.

Aujourd’hui le relais est pris par l’extraction des alginates contenus dans les grandes laminaires.

Voir la suite :

https://histoires-de-sciences.over-blog.fr/article-30505855.html

Expropriés de l’Île-longue. Les derniers témoins se souviennent.

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Par , 28 juillet 2025 11 h 23 min

Gérard Borvon.

1965. De Gaulle a décidé de faire de l’Île-longue une base de sous-marins nucléaires. A l’occasion d’un travail universitaire (année 2004/2005), quarante ans après les évènements, Serge Borvon a rencontré des témoins de l’expropriation des habitants de l’Île-longue dans la presqu’île de Crozon pour l’installation de la base de sous-marins nucléaires.

Premier informateur, M. Francis Sénéchal, 90 ans, ancien sous-marinier en retraite et ancien conseiller municipal à la Libération, demeurant à Rostellec en Crozon.

Serge Borvon : Pouvez-vous me parler des tout-débuts de l’annonce de l’installation de la base nucléaire de l’Île-longue ?

M. Sénéchal : C’est moi qui ai monté ce comité. Il y a eu dans la presse un article nous disant qu’on allait prendre l’Île-longue pour faire une base de sous-marins atomiques.[.]Suite à une réunion à Quimper, le préfet du Finistère a mis un article dans la presse en disant que l’on allait prendre l’Île-longue. Alors quand les habitants ont su ça, ils sont venus me voir en me demandant qu’est-ce qu’on aurait pu faire pour essayer de balancer cette base, parce que personne n’en voulait. Je dis” peut-être on peut faire un comité de défense, on va essayer de faire déplacer cette base ailleurs”, mais il n’y avait rien à faire, c’était déjà fait, parce que la municipalité de Crozon qui était dirigée par le docteur Jacquin était pour. Les expropriations ont été mal menées, on nous a envoyé un monsieur de Paris, et alors il faisait pression sur les gens en disant “non on peut pas vous donner plus”. Il essayait de diviser les gens pour régner. Il y avait quelques personnes qui voulaient avoir un peu d’argent, il leur payait et nous avons été tous bloqués. Avec cette affaire-là ç’a été une belle manœuvre.

Serge Borvon : Quand les gens vous ont contacté quelles étaient leurs inquiétudes. l’installation d’une base militaire ou bien le risque lié à l’armement nucléaire présent sur le site ?

M. Sénéchal : C’est les deux, les gens n’en voulaient pas, ni du militaire, ni du nucléaire, parce que nous avions toutes sortes de servitudes, un polygone d’isolement, on ne nous l’avait pas dit au début.

Serge Borvon : Les gens se sont divisés dans la population ?

M. Sénéchal : Au début ils ont donné du travail aux gens, vous comprenez, alors là, ç’a a commencé à virer. Oui, les gens ce sont divisés dans la population… Naturellement, ils ont dit “Pourquoi voulez-vous que l’on fasse partie de ce comité de défense puisqu’on nous donne du travail ?”. On leur a dit aussi que ce n’était pas plus dangereux que la pompe à essence du garagiste de Crozon. C’est la municipalité qui avait invité ça.

Serge Borvon : C’est quand même intéressant de savoir, que dans votre comité, il y avait d’anciens militaires.

M. Sénéchal : Oui, nous étions trois anciens de la marine nationale, dont le président M. Montillet, qui était un officier de l’équipage en retraite. Et vous savez pas, je vais vous dire quelque chose, il vaut mieux que vous gardiez ça pour vous, tous les policiers de Brest avaient acheté ici des terrains à bâtir dans la zone où on devait exproprier [.]Ils savaient d’avance quelle était la place qui devait être expropriée. Aussitôt j’ai demandé à connaître le plan parcellaire, et c’est là que je me suis rendu compte qu’ils avaient acheté dans la zone à exproprier.

Serge Borvon : Vos actions ont presque duré deux ans ?

M. Sénéchal : Je vais vous dire comment ça s’est passé. Il y a des gens, dont la paysan ici, il a signé quand le “chargé” de Quimper est venu faire un sondage, il a touché 11 millions pour ses terrains. Il a signé et tout la monde après était bloqué, nous étions dans l’obligation de signer. Ceux qui ont été en appel avec Garapin ont eu beaucoup moins que ceux qui avaient signé.

Serge Borvon : J’ai lu dans les journaux qu’il y avait eu de grandes manifestations ?

M. Sénéchal : Oui nous avons manifesté à Quimper, vous savez comment on a été accueilli ? “M. Sénéchal si un jour vous faites des manifestations  à Quimper je vous briserai – Tiens ! je dis, pourtant quand il y a des manifestations de paysans vous faites rien. A Crozon nous avons été pris pour des révolutionnaires, à Morgat surtout on était mal vus. Eh oui autrefois les gens de l’Île-longue travaillaient dans les carrières, c’étaient des ouvriers, des petites gens, et alors ils votaient à gauche. Vous comprenez pourquoi nous étions délaissés par les élus et que le maire n’était pas contre l’Île-longue.

Serge Borvon : Aujourd’hui les riverains ont-ils des inquiétudes par rapport aux risques qu’il peut y avoir ?

M. Sénéchal : Vous savez tout se passe en vase clos, on ne peut pas savoir ce qui se passe , même qu’il y ait des radiations tout cela est interdit de diffusion. Vous ne saura jamais ce qui se passe. A ce qu’il paraît il y aurait eu des radiations mais ça a été camouflé.

Remarque de Serge Borvon : Quelques jours après notre entretien, la presse faisait état d’un décès dû à une contamination en 2002.

Le deuxième entretien a eu lieu chez M. et Mme Magadur. Monsieur Magadur a 70 ans, il est ancien ouvrier d’une entreprise sous-traitante de la DCN (Direction des constructions Navales). Au moment des expropriations, M. et Mme Magadur habitaient Brest, c’étaient les parents de M.Magadur qui vivaient à l’Île-longue.

Serge Borvon : Quand avez-vous appris que ce site allait être retenu ?,

M. Magadur : Vous savez on a vu apparaître sur la route des gens qui n’étaient pas du coin, des messieurs surtout. Oui, ça s’est passé drôlement. Un jour ma belle-mère me dit : “tu sais, on va partir de l’Île-longue. Moi je ne cois pas ça” – vous savez, ma belle-mère parlait un petit peu nature – “moi je ne crois pas ça” qu’elle me dit. Elle était obligée de se rendre à l’évidence, et un jour elle m’a dit : ” Tu sais, je ne suis pas propriétaire, c’est de Gaulle mon propriétaire”, ça a été dur pour elle, très dur. Mon père d’ailleurs s’est laissé presque… oui il s’est laissé presque… mon père n’a plus réagi après, dès qu’il est venu ici ça été fini.

Serge Borvon : Donc vous avez appris en voyant des gens arriver ?

M. Magadur : Eh bien oui, deux ou trois expropriateurs, un peu dans le genre de gendarmes déguisés en civil. Il y en avait un [.] il disait franchement aux gens, aux pauvres veuves qui ont mis toute une carrière pour faire un pennti : “Si vous ne signez pas, la prochaine fois ça sera moins”, et alors elles perdaient un peu les pédales.

Mon père était dans la Marine, son rêve était de retourner chez lui à la retraite. On venait juste de finir de retaper toute la maison – le plus dur c’est qu’on nous laissait continuer à faire tous les travaux jusqu’au moment où on nous a dit de partir. J’ai essayé de lutter, mais j’ai vite compris, même avec les élus de Crozon, que les intérêts n’étaient pas les mêmes. Ceux qui ont défendu le plus, ce sont les touristes, l’été, qui ont manifesté avec nous, mais les gens du Fret et de Crozon, non : il y avait trop d’intérêts.

Quand on voit une maison comme celle-ci (les maisons construites pour reloger les expropriés au Zorn), voilà une maison qui coûtait à l’époque 160 000 F, les gens disaient “il a eu tout ça de l’Île-longue”, mais il faut savoir aussi ce que l’on a laissé qui vient de mes grands-parents, de mes parents. Nous avions deux maisons à l’Île-longue, des terrains, nous étions heureux et subitement on vous dit “il faut partir”. Mon père n’a pas supporté ça, il s’est laissé mourir, il est mort en 1979, il ne touchait plus à rien ici, c’était fini.

Serge Borvon : Pourquoi à votre avis le choix de l’Île-longue.

M. Magadur : J’ai eu l’occasion de discuter avec une personne très bien placée à l’Île-longue, il y a eu une conférence et je suis allé le voir un peu à la fin. “Dites donc monsieur, j’ai fait partie du comité de défense contre l’Île-longue, pour vous est-ce que c’était un bon choix l’Île-longue ?” – ” Pour moi c’était le plus mauvais choix, vu la population de Brest à une distance de huit kilomètres. Il fallait un départ direct sur la mer, le mieux était vers le Cap de la Chèvre”. Alors si cela avait été Morgat, on mettait le feu à la Presqu’île, il y avait des intérêts, il y avait des maires, des notaires, ils avaient tous des terrains. Le choix s’est porté sur l’Île-longue par rapport au trajet, il fallait que les militaires puissent rentrer chez eux le soir.

Ce sont mes beaux-parents qui ont quitté les derniers l’Île-longue, ils ont quitté parce que les travaux avaient commencé. Ils n’avaient rien trouvé pour se reloger, et les ouvriers ont donc fait sauter les mines et mon beau-père a failli être tué là, il y a un rocher qui est tombé à côté de lui. Et ma belle-mère a eu juste le temps de le retirer, et elle a dit “Cette fois-ci on s’en va, on ira n’importe où mais on s’en va”. ils faisaient sauter de plus en plus de mines et de plus en plus près pour les faire partir… Ils avaient du chagrin… Ma fille me dit encore que les meilleurs moments de sa vie , ce sont ceux  qu’elle a passé avec ses grands-parents à l’Île-longue, dans la petite maison bleue. Et la pêche que nous faisions ! …c’était un vrai vivier à coquillages et à poissons

Serge Borvon : Au début le maire, le docteur, semblait défendre les futurs expropriés, et ensuite on voit que le maire refuse de participer à une manifestation, que s’est-il passé ?

M. Magadur : Vous savez le parti socialiste était contre à l’époque, donc ceux qui étaient contre les expropriations se mettaient du côté du parti socialiste. Vous savez, il ne faut pas raisonner droite gauche dans cette affaire. Nous avions aussi le soutien des pêcheurs de la rade, car il y avait un bon banc de coquilles Saint-Jacques dans le secteur, ils étaient aussi menacés.

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Serge Borvon : Indépendamment du problème d’expropriation, y-a-t-il eu des craintes par rapport au nucléaire ?

M. Magadur : Oh oui ! On n’avait que ça dans la bouche. vous savez que l’État a menacé M. Montillet de suspendre sa retraite d’officier de marine parce qu’il était à la tête du mouvement. Dans cette bagarre se retrouver face au mur avec des forces comme cela, c’est révoltant.

Serge Borvon : Y-a-t-il des personnes qui ont rejoint votre comité par peur de la radioactivité, sans parler des expropriations ? 

M. Magadur : Oh si ! On parlait beaucoup à l’époque de la radioactivité, ceux qui étaient conscients de ça en parlaient, mais la population était surtout occupée par d’avoir leur bien, mais la radioactivité, M. Montillet parlait beaucoup de ça, lui qui avait été dans la Marine. Avec le nucléaire, on ne peut jamais savoir…

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Pour aller plus loin les témoignages d’acteurs de la construction de la base.

Pierre Pommellet a dirigé le chantier de l’Ile Longue de 1966 à fin 1969. Interrogé par le télégramme :

Le Cap de la Chèvre avait également été envisagé ?

Oui, je m’y suis rendu plusieurs fois sur place mais les études ont montré que la houle était trop forte. Il aurait fallu construire une jetée de protection considérable. Avec le recul, il faut avouer que cela aurait été dommage de dénaturer un tel site. Certains avaient imaginé un long tunnel pour traverser la presqu’île. Les exigences et la pression écologiques n’étaient pas aussi affûtées qu’aujourd’hui.


L’Ile longue, en 1965, était également un endroit naturel exceptionnel

Oui, c’était très joli et plutôt sauvage vers son extrémité. Il y avait beaucoup de fermes et un éperon rocheux impressionnant, un à-pic de 40 mètres de hauteur qui surplombait des eaux cristallines. Il y avait des maisons secondaires à l’entrée et pas mal de fermes où l’on croisait d’ailleurs des métayers très touchants. Les expropriations nous ont émus mais il a fallu avancer.


Les procédures vous ont-elles impressionné ?

Je n’ai jamais vu dans ma carrière des procédures aussi expéditives. Tout est allé très vite, il fallait finir trois ans plus tard. Après une campagne de sondages, les gros engins de terrassement ont commencé par araser les hauteurs et déposer surtout dans l’Ouest les matériaux pour étendre de 40 % la surface de la presqu’île et permettre la réalisation des voies de circulation.

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Rapporté d’un mémoire universitaire présenté par Kerian Bouthemy :   Au début des travaux, en 1967, un des principaux responsables des Travaux Maritimes présents sur le site, se souvient d’avoir été, comme ses camarades, conspué et injurié par une partie des expulsés : « Ce fut un moment très pénible à supporter, nous étions là pour faire notre travail, certes, mais nous ne pouvions rester insensibles devant la détresse, réelle et compréhensible des expropriés. Ainsi la famille d’une femme âgée nous suppliait-elle de la laisser mourir chez elle. C’est sans doute l’épisode qui m’a le plus ému.

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