La saga des déchets.2. Le scandale du Combusoc.

Par , 8 février 2009 16 h 46 min

Après l’abandon du site de Langazel, l’idée d’une usine de traitement des déchets à Plouédern voit le jour.

Débute alors le scandale du “Combusoc”.

Arrêter le gaspillage. Recycler les déchets au lieu de les enfouir

C’était l’une des idées phares des écologistes en ce temps de montée en puissance des luttes pour l’environnement. Les CLIN, comités locaux d’information nucléaire, en avaient d’ailleurs fait l’un de leur thème d’action pour l’après Plogoff.


Extrait de Nukleel n°15. Mai-juin 1982. Journal des CLIN édité à Landerneau. Imprimé sur papier recyclé. Cliquer sur les images pour agrandir.

Quand le lobby des serrristes entre en scène

Après avoir été contrainte de renoncer à la décharge de Langazel, la municipalité de Landerneau décidait donc de se diriger vers le traitement.

C’est alors que les serristes de Plougastel et de Guipavas, menés par l’un des leurs, Job Malléjac par ailleurs conseiller général, intervenaient pour proposer le procédé miracle : le Combusoc !

Faire du combusoc, c’est construire une usine pour trier d’une part tout ce qui est combustible et d’autre part ce qui ne l’est pas. Avec le combustible on réalise des granulés qui pourront être utilisés dans des chaudières.

Et là est l’astuce : le combusoc ainsi produit serait livré gratuitement aux serristes qui, par ailleurs, se verraient dotés de chaudières spéciales fournies tout aussi gratuitement par le conseil général.

Et c’est ainsi qu’un beau soir de conseil municipal, le maire de Landerneau faisait circuler parmi les conseillers, des granulés (genre croquettes pour chat remarquait l’un d’entre eux) destinés à faire pousser des tomates à Plougastel et Guipavas.

“Cela ne sent pas mauvais, c’est pratique, c’est une bonne idée..”

Telle était la teneur des propos échangés autour de la table officielle.

Côté public, l’assistance était également fournie. Les animateurs de la lutte contre Langazel avaient tenus à être présents. Et là, consternation !

Vu de loin, avec les lunettes à ne pas voir des conseillers, cela avait l’allure brune de granulés de bois. Il suffisait de les briser pour y retrouver : plastiques de toutes couleurs, brisures de verre, fragments de métaux…

Quant à faire le tri, en amont, du papier, du plastique, il ne fallait pas y penser car la valeur du combustible en dépendait. Une clause du contrat avec les serristes envisageait même un dédommagement de ceux-ci si la valeur calorifique du combusoc se révélait insuffisante.

A peine fini le bras de fer de Langazel s’en engageait donc un second entre la municipalité et les associations afin de la faire renoncer à ce procédé et l’amener à engager une politique de limitation des déchets.

La lutte semblait bien engagée mais c’était sans compter sur l’étrange soutien apporté au maire de Landerneau par le titulaire du “Secrétariat à l’énergie” du premier gouvernement de François Mitterrand.

Un ministre bien mal inspiré

Malgré la mobilisation, l’usine était construite. Il est vrai qu’à l’époque il n’était pas facile de sensibiliser les citoyens aux dangers de l’incinération, surtout si les incinérateurs étaient dispersés dans la campagne.
Vient le jour de l’inauguration. Le maire a invité Edmond Hervé, maire de Rennes et récent “Secrétaire d’Etat chargé de l’énergie”.

Les opposants ont demandé une entrevue au ministre pour lui demander d’infléchir le projet et d’interdire l’usage de ce combustible.

Surprise : le ministre refuse de recevoir la délégation en dehors de la présence du maire, il écoute à peine ses porte-parole et se lance immédiatement dans un discours élogieux vis à vis d’un maire qui a eu le mérite de “transformer des ordures en énergie”. Au passage il se permet de faire la leçon à ces opposants qui n’ont aucun sens du “progrès” représenté par une telle usine.

Consternation à la sortie du bureau du maire. Certains participants se souviendront de cet aveuglement dogmatique quand Edmond Hervé, alors ministre de la santé, fera à nouveau une confiance absolue aux avis des tenants de la “technique”.

Cet aveuglement aura des suites localement. Il vaudra à toute une population d’être intoxiquée pendant dix ans par les fumées, les cendres et les mâchefers issus des chaudières alimentées au combusoc.

Le problème, monsieur Hervé, était, lui aussi, un problème de santé publique. Dommage de ne pas l’avoir compris.

Dix ans sous les fumées polluantes.

Progressivement, cependant, les riverains des incinérateurs commencent à s’inquiéter. Il faut dire que les fumées étaient loin d’être invisibles.

A Landerneau le travail d’information sur le traitement des déchets a été repris par la toute nouvelle association “Landerneau Ecologie” dont nous reparlerons à l’occasion de nouveaux épisodes de cette saga.

L’usine est toujours dans son collimateur mais le nouveau maire socialiste, élu en 1989, ne semble pas pressé, contrat oblige, de mettre fin au scandale.

Il faut attendre le début de l’année 91 pour que naisse l’espoir d’une solution. Regroupés au sein de l’association “Avel Elorn”, les riverains ont fait analyser le combustible qui se révèle riche en métaux lourds.

Minamata ou Seveso ?

D’emblée l’accent est mis sur la présence de métaux lourds dans le combustible et donc dans ses fumées : du mercure, de l’arsenic, du cadnium, du plomb…..

On se souvient alors de Minamata et de l’intoxication par le mercure des familles de pêcheurs japonais. Le drame de cette population avait fait l’objet d’un film que le CLIN avait fait projeter à Landerneau.

La pollution est à l’évidence d’une extrême gravité. Une analyse du sang des riverains ou du lait maternel, comme on le pratique aujourd’hui, aurait été révélatrice.

Surtout qu’il n’y a pas que les fumées : les cendres et les mâchefers venaient s’étaler dans les chemins et dans des décharges non contrôlées si nombreuses en cette période. Les nappes phréatiques recevaient donc leur doses de polluants infiltrés qui pouvaient se retrouver dans l’eau des captages autonomes pour l’alimentation en eau domestique assez nombreux encore dans le secteur.

Nous nous sommes souvenus de ces mâchefers dans les chemins creux quand on a voulu implanter une plateforme de maturation à Ploudaniel.

Mais le mercure n’était sans doute pas le polluant principal.

On sait à quel point les incinérateurs dégagent de la dioxine, ce polluant extrêmement toxique et cancérigène mis en lumière par la catastrophe de Sévéso.

Les chaudières utilisant le combusoc n’avaient aucun de ces filtres rendus obligatoires aujourd’hui. C’est dire le niveau d’intoxication subi par les habitants pendant 10 ans. Sans noircir le tableau il est possible d’imaginer que nombre de personnes subissent, encore aujourd’hui, les effets de cette pollution ancienne.

Le contrat avec les serristes prenant fin, l’occasion était bonne de changer de processus et surtout de passer l’éponge et d’oublier les 10 ans de pollution.

Par ailleurs, les chaudières n’avaient pas supporté la toxicité du combustible. Le PVC était alors un de ses constituants principaux dont la combustion produisait de l’acide chlorhydrique parmi d’autres composants chlorés.

Profitant de l’occasion, les serristes n’hésitaient pas à revendiquer une aide à la reconversion afin de pourvoir se brancher sur la conduite de gaz naturel qui était la nouvelle mode en matière d’alimentation énergétique des serres !

Du combusoc au compost

De Langazel à Irvillac

Que faire de l’usine ? La fermer et faire autre chose ?

On se contentera de la modifier légèrement pour récupérer les matières cabonées afin d’en faire un “compost” qui bientôt transformera les terres agricoles en champs d’épandage se colorant du bleu des sacs poubelles les jours de pluie. Un nouvel épisode de cette Saga sur lequel nous reviendrons.

Mais que faire des rebus ?

Fort heureusement il y a un maire à Irvillac qui se débarrasserait bien de certains terrains. Autre épisode à suivre.

A suivre : La saga des déchets.3. La longue marche vers la déchetterie.

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