Projet de Centrale à Cycle Combiné Gaz de Landivisiau. Contribution de l’association Dynamique d’avenir aux enquêtes publiques.

Par , 29 octobre 2014 9 h 52 min

Landerneau, le 27 octobre 2014

Ce mémoire a pour objectif de contester l’intérêt de ce projet, en développant trois problématiques majeurs : les risques liés à la pollution de l’air, l’inutilité du projet et l’aberration économique qu’il constitue.

POLLUTION DE L’AIR

Pour Dynamique d’avenir, l’étude d’impact de la centrale sur la pollution de l’air et les conséquences qu’elle pourrait avoir sur la santé des habitants de Landivisiau et des environs devrait constituer un volet majeur du dossier que présente Direct Énergie (renommé pour l’occasion « Compagnie Électrique de Bretagne », sans doute pour donner une légitimité « locale » au projet…). Or nous devons faire le constat que Direct Énergie n’a pas consacré les efforts nécessaires permettant une lecture objective des risques que ferait courir la centrale aux populations sous l’aire d’influence de son panache de gaz de combustion.
Les éléments présentés par Direct Énergie ont été obtenus de façon partisane, de manière à minimiser l’impact de la centrale sur la pollution de l’air. Les exemples illustrant ce constat sont nombreux :

1 / Répartition géographique du panache des gaz de combustion

Pour minimiser l’impact de la centrale, Direct Énergie indique que les vents dominants poussent les gaz vers le nord-est, c’est-à-dire au-delà de la ville de Landivisiau. Mais le problème est que les pics de pollution interviennent justement quand les conditions météo empêchent la dispersion (absence de vent) et plaquent l’air froid au sol, c’est-à-dire en hiver lors de conditions anticycloniques. C’est justement dans ces conditions que l’air pollué stagne dans les vallées et en particulier sur la ville de Landivisiau.
En conséquence, montrer la carte des vents dominants consiste à cacher la vérité et à masquer les périodes de plus fort risque de pollution.

2 / Nombre et localisation des points de mesure pour les particules fines

Au lieu de réaliser des mesures de la qualité de l’air à plusieurs endroits, Direct Énergie n’a retenu qu’un seul point de mesures, relativement éloigné du site retenu pour le projet de centrale. Pour avoir un avis objectif et précis de l’impact de la centrale, il aurait été nécessaire de retenir plusieurs points de mesures et en particulier à proximité et au sud de la RN12. En effet, Air Breiz’h fait remarquer que la 2×2 voies est source de pollution significative de l’air par l’apport de particules fines. Les particules fines émises par le trafic routier s’ajouteront aux particules émises par la centrale, ce qui augmentera le risque encouru par la population. L’étude menée par Direct Énergie ne permet pas d’estimer la conjonction de ces deux sources de pollution.

3 / Dates retenues pour effectuer les mesures

Direct Énergie a choisi de réaliser les mesures de particules fines en mai / juin et octobre / novembre.
Or, les études menées par Air’Breiz montrent qu’en Bretagne les pics de pollutions aux particules fines sont concentrés entre janvier et mars et que les deux périodes retenues par Direct Énergie constituent les périodes les plus favorables.
Si Direct Énergie avait mené des enquêtes de façon objective, elle aurait nécessairement fait un état des lieux en période de fortes émissions de particules fines. Il aurait ainsi été possible de mesurer l’impact sur la santé des particules fines émises par la centrale et celles émises par le trafic routier.

4 / Pollutions atmosphériques liés à l’agriculture intensive

Pour mesurer l’impact sur la santé des populations lié à la construction de la centrale, Direct Énergie aurait également dû prendre en considération les particules et résidus de pesticides qui se trouvent en aérosol dans l’air que nous respirons. Il est plausible que les pesticides, les particules fines et les gaz de combustion de la centrale, puissent agir en synergie pour perturber la santé des populations. Ne pas aborder ce sujet est caractéristique d’une étude partiale.

5 / État des lieux tel que mesuré par Direct Énergie en matière de particules fines

Malgré plusieurs précautions (période de mesure, éloignement du site de mesures, etc…), les données transmises par Direct Énergie montrent qu’aux périodes les plus favorables, les mesures qu’ils ont réalisées indiquent des valeurs nettement supérieures aux objectifs de qualité retenus, et très souvent au-delà des seuils critiques.
On est donc en droit de se demander quelles pourraient être les valeurs de concentration en particules fines de l’air si les mesures étaient faites en période de pic de pollution et tenant compte de l’effet cumulatif de différentes sources de pollution : trafic de la RN12, pollution par les pesticides et impact du projet de centrale à gaz.

En conclusion, nous demandons à la commission d’enquête de souligner les graves insuffisances de cette étude, de la rejeter en l’état et d’exiger que le pétitionnaire présente à la population une étude objective portant sur un nombre suffisant de points de mesure.

Sources :

Étude détaillée produite par l’association S-eau-S :

INUTILITÉ DE LA CENTRALE

Le projet de centrale cycle combiné à gaz (CCCG) de Landivisiau a été lancé en 2010.

Pour la justier, la Région Bretagne l’a inscrite dans une «Pacte Électrique Breton». Ceci s’est fait dans la plus totale opacité (non consultation des différents groupes politiques de l’Assemblée régionale ou du CESER – le Conseil économique, social et environnemental régional). Ce Pacte Électrique Breton, dans son troisième volet dit « de sécurisation », concluait alors à la nécessité d’une CCCG dans l’aire de Brest : « L’implantation d’un nouveau moyen de production classique au nord-ouest de la Bretagne s’avère indispensable, et ce le plus rapidement possible. … Le déséquilibre structurel entre la production et la consommation bretonne expose, en effet, maintenant l’ensemble de la Bretagne à un risque généralisé d’écroulement de tension (blackout) … Le moyen de production le plus adapté techniquement, écologiquement et économiquement, permettant à la fois de constituer un appoint pour l’équilibre du réseau et d’être mobilisable à la pointe, est un cycle combiné gaz (CCG). »

Il est important de noter que ce projet de centrale à gaz était initialement prévu pour fournir une énergie de pointe, c’est-à-dire en fonctionnant environ 200 heures par an, lors des pics de consommations hivernaux dus notamment au chauffage électrique. Or, le projet de centrale est aujourd’hui passé au stade de centrale de semi-base, c’est-à-dire devant fonctionner au minimum 4000 heures par an, soit près de 11 heures par jour pendant 365 jours, et ce pour une question de rentabilité !

De plus, et même en admettant ce nouveau statut de semi-base pour le projet de CCCG de Landivisiau, des données récentes indiquent que la construction de cette centrale ne trouve plus de justification. Le « Scénario électrique alternatif breton », établi par le collectif GASPARE, s’appuie sur les dernières publications institutionnelles pour démontrer l’absence de besoin d’un moyen de production supplémentaire en Bretagne d’ici 2020.
Les projections d’évolution de la consommation électrique, ainsi que du parc de production, ont été actualisées :
• L’augmentation de la consommation électrique entre 2009 et 2020 passe de 19% à 8% ;
• Les pointes annuelles de consommation passent de 5200 MW à 5 000 MW en 2020.
• Le parc de production installé et les capacités d’effacement de consommation passent de 4 180 MW à 4 945 MW en 2020. Cette correction prend notamment en compte le maintien en fonctionnement des turbines à combustion de Brennilis et Dirinon.
Des simulations de l’équilibre entre l’offre et la demande électrique dans les pires conditions que pourra rencontrer la Bretagne d’ici 2020 montrent que la sécurité d’alimentation est assurée avec ces nouvelles projections. Ainsi, l’urgence à développer un nouveau moyen de production dans le Finistère n’est pas établie.

L’un des objectifs du débat national sur la transition énergétique est d’assurer la faisabilité technique de l’engagement gouvernemental, qui vise à réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75% à 50% en 2025. Selon RTE (réseau de transport d’électricité), la moitié des réacteurs de l’Ouest devrait alors fermer entre 2020 et 2025.
Deux tiers de la consommation de la Bretagne étant fournie par ces réacteurs, cette décision joue directement sur sa sécurité d’alimentation. Signé avant la décision de réduire la part du nucléaire, le Pacte Électrique breton est muet sur cette problématique.
Pourtant des solutions existent. Les chauffages électriques les moins performants (et en premier lieu ceux à effet Joule, communément appelés « grille-pain ») peuvent être remplacés par des dispositifs à la fois plus efficaces énergétiquement et moins consommateurs en électricité.

D’autre part, s’appuyant sur des atouts régionaux substantiels, le développement des énergies renouvelables ainsi que l’interconnexion de la Bretagne avec l’Irlande et le Royaume Uni peuvent permettre d’assurer la sécurité d’alimentation. Le solde des importations ne représenterait plus que 20% de l’électricité consommée en 2025, contre 90% aujourd’hui.

Sources :

Le Pacte Énergétique Breton (notamment pages 4, 9 et 10 concernant la CCCG)

Le Scénario électrique alternatif breton

ABERRATION ÉCONOMIQUE

Pour construire la centrale, trois investissements majeurs sont nécessaires, qui font actuellement l’objet de trois enquêtes publiques distinctes :

1 – Construction de la centrale elle-même. Cet investissement est porté par Direct Énergie ;

2 – Construction d’une nouvelle conduite de gaz Plumergat / Pleyben permettant d’alimenter la centrale. Elle sera à la charge du contribuable ;

3 – Construction de lignes électriques à haute tension pour livrer le courant. Également à la charge du contribuable.

S’il est difficile de trouver des estimations précises quant aux coûts engagés pour la réalisation de ces trois investissements, on estime que la centrale coûterait à elle seule environ 300 millions d’euros et que le chantier de raccordement gazier entre Pleyben et Plumergat s’élèverait a minima à environ 1 million d’euros du kilomètre, soit plus de 100 millions d’euros pour la globalité du tracé.
Logiquement, la réalisation de la conduite de gaz et de nouvelles lignes électriques à haute tension sont entièrement tributaires de la réalisation de la centrale à Landivisiau. Dès lors, pourquoi avoir scindé ces trois phases d’un même projet en trois enquêtes publiques distinctes les unes des autres ? Peut-être pour permettre aux autorités de refuser la saisine de la Commission Nationale du Débat Public, qui s’effectue pour des projets évalués à plus de 300 millions d’euros ?

A ces coûts d’investissement s’ajoutera en phase d’exploitation une redevance payée par l’État de 40 000 000 d’euros / an sur 20 ans, soit une somme colossale de 800 000 000 d’euros sur deux décennies (qui plus est, reconductible une fois).
Il est bon de noter que le projet de Centrale à Cycle Combiné Gaz de Landivisiau serait le seul en France à « bénéficier » d’une telle aide publique. Sans ces subventions publiques, les autres CCCG françaises connaissent de graves difficultés financières. Le meilleur exemple en est la centrale à gaz de Toul – également propriété de Direct Énergie – mise en service fin 2012, qui a été placée en arrêt au printemps 2014 car non rentable et très récemment revendue à un fond de pension américain.
Dans ces conditions de modèle économique déficitaire, pourquoi Direct Énergie voudrait-il donc construire une nouvelle centrale à gaz à Landivisiau ? Cette manne publique de 800 millions d’euros n’est peut-être pas étrangère à cette décision…

Cette aide annuelle de 40 millions d’euros, si elle était plutôt engagée dans des chantiers de rénovation énergétique des bâtiments, permettrait sans doute de créer près d’un millier d’emplois non délocalisables dans le secteur du BTP, en plus de réduire la consommation d’énergie desdits bâtiments. En comparaison, il est permis de se demander combien d’emplois la CCCG de Landivisiau permettrait de créer en phase d’exploitation… À titre informatif, la centrale à gaz de Montoir-de-Bretagne (une unité de 435 mW, soit sensiblement la capacité prévue du projet landivisien), employait en avril 2013… 28 personnes !

Sources :

Verbund ferme temporairement ses deux centrales à gaz françaises

KKR acquiert les centrales françaises de Pont-sur-Sambre et Toul

Montoir (44) : centrale flambant neuve… à l’arrêt

En conclusion, Dynamique d’avenir dénonce des incohérences et des insuffisances graves dans le projet de création de la centrale à gaz de Landivisiau.

Tout d’abord, nous déplorons une enquête de Direct Énergie incomplète et partiale autant sur le plan qualitatif que quantitatif, et qui ne permet pas une analyse objective de l’impact de la centrale sur la santé des riverains.

En deuxième lieu, nous constatons que la nécessité énergétique de la construction de la centrale, censée assurer la sécurité électrique de la Bretagne, n’est pas établie et que toutes les pistes alternatives n’ont pas été explorées.

Enfin, nous posons clairement la question des motivations réelles de Direct Énergie, entre l’efficacité énergétique et économique affichée, au service d’un territoire et d’une communauté, et les intérêts privés de l’entreprise.
En conséquence, notre association demande aux commissaires enquêteurs d’émettre un avis négatif sur le projet de centrale présenté par la société Direct Énergie.

Dynamique d’avenir : solidarité, écologie, citoyenneté
Association Loi 1901
Contact : www.dynamiquedavenir.org

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